Un officier de police interpelle le sieur Tayeb dont le comportement aurait été de nature, pour le policier, à laisser supposer qu'il s'apprêtait à commettre un délit. L'individu prend la fuite ce qui laisse croire au policier que celui-ci est un délinquant. Le policier tire alors mortellement sur le sieur Tayeb.
La juridiction judiciaire ayant été saisie, le préfet de la Haute-Garonne a élevé le conflit devant le Tribunal des conflits.
Un policier qui poursuit et tire mortellement sur un individu qui, supposément, s'apprêtait à commettre une infraction, commet-il un acte de police judiciaire, relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, ou un acte de police administrative, relevant de la compétence de la juridiction administrative?
Le tribunal des conflits, par un jugement du 15 janvier 1968, annule l'arrêté de conflit.
En effet, en poursuivant et en tirant sur un suspect dont le comportement lui a fait croire qu'il s'agissait d'un délinquant, le policier a effectué un acte de police judiciaire relevant de la compétence de la juridiction judiciaire.
Mise en œuvre du critère finaliste de distinction entre police judiciaire et police administrative (la présence ou l'absence de recherche d'une infraction) → le policier a poursuivi et tiré sur un délinquant supposé (le policier recherchait donc une infraction)
= confirmation des jurisprudences suivantes :
• TC, 7 juin 1951 Dame Noualek : en l'espèce, l’opération de police n’avait pas pour objet la recherche d’un délit ou d’un crime déterminé=>compétence des Tribunaux administratifs
• CE 11 mai 1951 Consorts Baud : l’opération relevait d’une opération de police judiciaire car elle avait pour objet la recherche d’une infraction déterminée=>compétence des Tribunaux de l'ordre judiciaire
Tribunal des conflits, du 15 janvier 1968, 01909, publié au recueil Lebon
Tribunal des conflits -
- N° 01909
- Publié au recueil Lebon
Lecture du lundi 15 janvier 1968
Rapporteur
M. Barbet
Commissaire du gouvernement
M. Schmelck
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le code d'instruction criminelle ; la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; le décret du 26 octobre 1849 et le décret du 25 juillet 1960 ;
Considérant que le 30 avril 1966 à 23 heures 10, un passant a attiré l'attention du sieur X..., offiicier de paix principal au commissariat de Toulouse sur le sieur Y... dont le comportement aurait été de nature à laisser supposer qu'il se disposait à commettre un délit ; que le sieur Y..., interpellé par le sieur X..., a pris la fuite et a été mortellement atteint par un coup de feu tiré par l'officier de police qui s'était mis à sa poursuite ; qu'en poursuivant un suspect dont la fuite lui a fait croire qu'il s'agissait d'un délinquant et en faisant feu sur lui, le sieur X... a fait un acte qui relève de la police judiciaire ; que les litiges relatifs aux dommages que peuvent causer les agents du service public dans de telles circonstances ressortissent aux Tribunaux de l'ordre judiciaire ; que, par suite, c'est à tort que le Préfet de la Haute-Garonne a élevé le conflit dans l'instance ;
[annulation de l'arrêté de conflit]