Mme Noualek a été blessée à la main suite à un coup de feu tiré alors que des inspecteurs de police procédaient à une visite domiciliaire.
Mme Noualek a assigné le préfet du Puy-de-Dôme devant le Tribunal civil de Clermont-Ferrand.
La Cour d'appel de Riom, sur appel, rejetant le déclinatoire de compétence présenté par le préfet, se déclare compétente pour connaître du litige.
Par arrêté du 10 juillet 1950, le préfet du Puy-de-Dôme éleva le conflit
L'opération de police était-elle une opération de police judiciaire ou de police administrative?
Le tribunal des conflits, par un jugement du 7 juin 1951, confirme l'arrêté de conflit du préfet du Puy-de-Dôme et déclare nul et non avenu l'arrêt de la Cour d'appel de Riom.
En l'espèce, l'opération de police n'avait pas pour objet la recherche d'une infraction déterminée et était effectuée en dehors de tout ordre ou intervention de l'autorité judiciaire. Par conséquent, elle ne devait pas être regardée comme une perquisition mais comme une opération de police administrative dont les conséquences dommageables relèvent de la compétence de la juridiction administrative.
Le conseil d'État met en oeuvre le critère finaliste de distinction entre une opération de police judiciaire, relevant de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, et une opération de police administrative, relevant de la compétence des juridictions administratives.
Ainsi, lorsqu'une opération de police n'a pas pour objet la recherche d’une infraction déterminée, celle-ci relève de la compétence des juridictions administratives.
Tribunal des conflits, 7 juin 1951, n°1316, publié au recueil Lebon
Tribunal des conflits -
- N° 1316
- Publié au recueil Lebon
Lecture du lundi 7 juin 1951
Rapporteur
M. Aubry
Commissaire du gouvernement
M. Delvolvé
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
CONSIDÉRANT qu'il ressort des pièces du dossier qu'au cours de la nuit du 19 au 20 septembre 1943, la dame Neumar, épouse Noualek, qui se trouvait à la fenêtre de son appartement, 11, rue du Moulin à Montferrand, fut atteinte et blessée à la main droite par une charge de plombs de chasse ; Que le coup de feu parti provenait d'un fusil de chasse dont était porteur le garde Higounet du G.M.R. « Albigeois », mis cette nuit-là à la disposition d'inspecteurs de police judiciaire procédant, sur instructions de l'intendant de police, à une visite domiciliaire dans un immeuble voisin ;
Cons. que, les époux Noualek ayant assigné le préfet du Puy-de-Dôme es-qualité de représentant de l'Etat français devant le Tribunal civil de Clermont-Ferrand aux fins de l'entendre déclarer responsable de l'accident et condamner à des dommages-intérêts, la Cour de Riom sur appel, rejetant le déclinatoire de compétence déposé par le préfet, se reconnut compétente pour statuer sur la demande dont elle était saisie et, avant-dire droit, ordonna une expertise ; que par arrêté du 10 juillet 1950 le préfet éleva le conflit ;
Cons. que les faits dommageables dont a été victime la dame Noualek sont consécutifs à une opération de police exécutée dans une période anormale où, en application de textes en date des 23 avril et 7 juillet 1941, tous les services de police étaient placés sous l'autorité des préfets « en vue d'assurer le maintien de l'ordre, et de « prévenir et réprimer les atteintes à la sécurité publique » ; Qu'en l'espèce, ladite opération, dont l'instruction n'établit pas qu'elle avait pour objet la recherche d'un délit ou d'un crime déterminé, effectuée sur instructions de l'intendant de police, sous la protection de fusils de chasse, en dehors de tout ordre ou intervention de l'autorité judiciaire, ne saurait être regardée comme une «perquisition» mais comme une véritable opération de police administrative, exclusive des règles protectrices du domicile privé des citoyens, ne pouvant être rattachée au fonctionnement de la justice ; Qu'ainsi, dans les circonstances où s'est produit l'acte dommageable, survenu au cours de l'exécution d'un service public et non détachable de l'accomplissement de celui-ci, les tribunaux. judiciaires ne peuvent se prononcer sur la responsabilité civile de l'Etat, qui n'est susceptible d'être mise en cause que devant un tribunal administratif ;
Cons. enfin, qu'après avoir rejeté le déclinatoire la Cour d'appel a, dans le même arrêt, passé outre au jugement du fond et dès lors, méconnu les prescriptions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er juin 1828 ; d'où il suit qu'à bon droit, le préfet a élevé le conflit ;... (Arrêté de conflit confirmé ; arrêt de la Cour de Riom déclaré nul et non avenu, ensemble l'assignation).