Juridiction:
Tribunal des conflits
Date:
26/03/1990
N° de la décision:
02599
Faits:

M. Devossel a été blessé par un coup de feu tiré par un policier qui effectuait une ronde de surveillance.

Procédure:

M. Devossel saisit le tribunal de grande instance de Nanterre qui, par un jugement du 29 septembre 1986, s'est déclaré incompétent.

M. Devossel saisit alors le tribunal administratif de Paris afin d'obtenir le versement d'indemnités en réparation de son préjudice. Le tribunal administratif, par une décision du 20 juin 1989, a renvoyé la question de la compétence au Tribunal des conflits afin d'éviter un conflit négatif.

Problème(s) de droit:

L'opération de police était-elle une opération de police administrative ou judiciaire?

Solution:

Le tribunal des conflits, par un jugement du 26 mars 1990, a décidé que le litige relevait de la compétence des juridictions administratives.

En effet, le coup de feu a été tiré par l'officier de police alors qu'il effectuait une ronde de surveillance, qui a le caractère d'une opération de police administrative.

De plus, il ne ressort pas des pièces du dossier d'indices permettant de considérer que, compte tenu du comportement de M. Devossel, l'officier de police n'avait plus l'intention d'effectuer une simple ronde de surveillance mais agissait dans l'objectif de rechercher une infraction déterminée. Cette dernière situation aurait été de nature à modifier le caractère de l'opération de police en la faisant basculer d'une opération de police administrative à une opération de police judiciaire.

Ainsi, l'intention du policier, au moment où il a tiré le coup de feu, n'ayant pas été la recherche d'une infraction, le litige relevait de la compétence des juridictions administratives.

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Apport:

Mise en œuvre du critère finaliste de distinction entre police judiciaire et police administrative (la présence ou l'absence de recherche d'une infraction) → le policier effectuait une ronde de surveillance au moment où il a tiré le coup de feu et n'avait pas pour intention de rechercher une infraction déterminée. Il s'agissait donc d'une opération de police administrative

= confirmation des jurisprudences suivantes :

TC, 7 juin 1951 Dame Noualek : en l'espèce, l’opération de police n’avait pas pour objet la recherche d’un délit ou d’un crime déterminé=>compétence des Tribunaux administratifs

CE 11 mai 1951 Consorts Baud : l’opération relevait d’une opération de police judiciaire car elle avait pour objet la recherche d’une infraction déterminée=>compétence des Tribunaux de l'ordre judiciaire

Texte intégral de la décision:

Tribunal des conflits, du 26 mars 1990, 02599, publié au recueil Lebon

Tribunal des conflits -

  • N° 02599
  • Publié au recueil Lebon

Lecture du lundi 26 mars 1990

Président

Mme Bauchet

Rapporteur

M. Vught

Commissaire du gouvernement

Mme Flipo

Avocat(s)

S.C.P. Le Bret, de Lanouvelle, Avocat


Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 20 juin 1989, enregistré au secrétariat du Tribunal des Conflits le 18 juillet 1989 et par lequel le tribunal administratif renvoie au Tribunal des Conflits la question de compétence posée par la demande de M. Bruno Devossel tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 100 000 F en réparation du préjudice que lui a causé la blessure dont il a été victime le 7 aôut 1984 du fait d'un gardien de la paix en raison d'un risque de conflit négatif né de ce que, par jugement en date du 29 septembre 1986 le tribunal de grande instance de Nanterre, statuant en matière correctionnelle, s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande d'indemnité présentée à titre de partie civile par M. Bruno Devossel ;

 

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

 

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

 

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié et complété par le décret du 25 juillet 1960 ;

 

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

 

Après avoir entendu le rapport de M. Vught, membre du Tribunal, les observations de la SCP Le Bret, de Lanouvelle, avocat de M. Devossel et les conclusions de Mme l'Avocat général Flipo, Commissaire du Gouvernement ;

 

Considérant que le 7 août 1984, vers 4 heures du matin, M. Devossel a été accidentellement blessé, alors qu'il empruntait à pied le boulevard Jean-Jaurès à Boulogne-Billancourt, par une balle de l'arme de service d'un gardien de la paix qui, avec quatre autres gardiens, effectuait une ronde de surveillance ayant le caractère d'une opération de police administrative ; qu'en l'absence au dossier de tout indice permettant de considérer que le comportement de M. Devossel a été de nature à modifier ce caractère et à faire regarder le gardien de la paix comme participant, au moment de l'accident, à une opération de police judiciaire, le litige qui oppose M. Devossel à l'Etat et qui a trait à l'indemnisation éventuelle du préjudice qui a été causé à l'intéressée dans les circonstances susrappelées, relève de la compétence de la juridiction administrative ;


Article 1er - Il est déclaré que la juridiction administrative est compétente pour statuer sur le litige qui oppose M. Devossel à l'Etat.
Article 2 - Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 20 juin 1989 est déclaré nul et non avenu en ce qu'il s'est reconnu incompétent pour statuer sur la requête de M. Devossel.
Article 3 - La cause et les parties sont renvoyées devant le tribunal administratif de Paris.
Article 4 - La présente décision sera notifiée au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.