Juridiction:
Conseil d'État
Date:
26/07/1985
N° de la décision:
43468
Faits:

Le maire de la Ville d'Aix en Provence, par arrêté du 13 novembre 1979, a interdit dans sa commune la projection du film " Le pull-over rouge ", film qui a obtenu un visa ministériel d'exploitation.

Procédure:

La société Gaumont Distribution et autres ont saisi le tribunal administratif de Marseille pour obtenir l'annulation de cet arrêté.

Par un jugement du 18 mars 1982, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du maire.

Le maire saisit le Conseil d'État pour obtenir l'annulation du jugement du tribunal administratif annulant son arrêté.

Problème(s) de droit:

- le maire a-t-il le pouvoir d’interdire ce qui a été autorisé par le ministre ? / Quelle est l’étendue des pouvoirs de police administrative du maire ?
- Le caractère immoral d’un film peut-il constituer un motif légal d’interdiction ? / La moralité publique constitue-t-elle une composante de l’ordre public ?

Solution:

Le Conseil d'État par un arrêt du 26 juillet 1985 rejette la requête du maire.

Le Conseil d'Etat rappelle que la circonstance que le code de l'industrie cinématographique prévoit un contrôle préventif des films n'a pas retiré au maire son pouvoir de police générale.

Qu'ainsi, il peut interdire sur le territoire de sa commune, un film auquel a été attribué un visa ministériel d'exploitation (c'est à dire un film autorisé par le ministre de la culture):
- si sa projection est susceptible de provoquer des troubles sérieux à l'ordre public
- ou si le film est préjudiciable à l'ordre public en raison de son caractère immoral ET de circonstances locales particulières

En l'espèce, le Conseil d'État juge qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la projection du film porterait atteinte à l'ordre public de la commune.

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Apport:

Le Conseil d'Etat applique la jurisprudence "Société les films Lutetia" selon laquelle:

- le concours entre une police administrative spéciale et une police administrative générale est possible : l’intervention d’une autorité de police administrative spéciale n’exclue pas l’intervention du maire au titre de son pouvoir de police administrative générale

- le maire ne peut interdire ce qui est autorisé par le ministre qu'à la condition que la projection est susceptible d'entrainer des troubles à l'ordre public ou que le film est préjudiciable à l'ordre public en raison de son caractère immoral ET de circonstances locales particulières

Texte intégral de la décision:

Conseil d'Etat, 2 / 6 SSR, du 26 juillet 1985, 43468, publié au recueil Lebon

Conseil d'Etat - 2 / 6 SSR


statuant 
au contentieux

  • N° 43468
  • Publié au recueil Lebon

Lecture du vendredi 26 juillet 1985

Président

M. Laurent

Rapporteur

M. Garcia

Commissaire du gouvernement

M. Genevois


Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

Requête de la ville d'Aix-en-Provence tendant :


1° à l'annulation du jugement du 18 mars 1982 du tribunal administratif de Marseille annulant, à la demande de la société Gaumont Distribution et autres, l'arrêté en date du 13 novembre 1979 par lequel le maire de la ville requérante a interdit la projection du film " Le pull-over Rouge " sur le territoire de ladite commune ;
2° au rejet de la demande ;


Vu le code de l'industrie cinématographique, notamment son article 19 ; le code des communes, notamment son article L. 131-2 ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;


Considérant que, si le code de l'industrie cinématographique, en ses articles 19 à 21, en maintenant le contrôle préventif institué par les textes antérieurs, a notamment pour objet de permettre que soit interdite la projection de films contraires aux bonnes moeurs ou de nature à avoir une influence pernicieuse sur la moralité publique, cette disposition n'a pas retiré aux maires l'exercice, en ce qui concerne les représentations cinématographiques, des pouvoirs de police qu'ils tiennent de l'article L. 131-2 du code des communes ; que le maire, responsable du maintien de l'ordre dans sa commune, peut donc interdire sur le territoire de celle-ci la représentation d'un film auquel le visa ministériel d'exploitation a été accordé, mais dont la projection est susceptible de provoquer des troubles sérieux ou d'être, en raison du caractère immoral du film et de circonstances locales particulières, préjudiciable à l'ordre public ;


Cons. que, par arrêté du 13 novembre 1979, le maire d'Aix-en-Provence a interdit dans sa commune la projection du film " Le pull-over rouge " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette projection, quel que fût le caractère de ce film, ait été de nature à porter atteinte au bon ordre ou à la tranquillité publique dans la ville ; qu'ainsi le maire d'Aix-en-Provence n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé son arrêté précité du 13 novembre 1979 ;


[rejet de la requête]