Un décret du 11 mai 1953 porte suppression de la Caisse de compensation de l’industrie aéronautique.
L’Union des syndicats des industries aéronautiques saisit le Conseil d'État d’un recours pour excès de pouvoirs afin d'obtenir l’annulation de ce décret.
La Caisse de compensation de l’industrie aéronautique est-telle un service public administratif (SPA) ? (Car si elle était un SPA, la suppression pouvait être faite par décret)
Le Conseil d'État, par un arrêt du 16 novembre 1956, rejette la requête de l’USIA.
En effet, au regard de :
• l’objet de la Caisse (subventionner des opérations d’intérêt général)
• de l’origine de ses ressources (une retenue de nature parafiscale)
• de ses modalités de fonctionnement (qui présentaient un caractère purement administratif),
la Caisse ne constituait pas un établissement public à caractère industriel et commercial.
Puisqu'elle est un établissement public administratif, elle pouvait être supprimée par décret. Or, le contrôle de l’opportunité d’une mesure prise par le Gouvernement ne relevant pas de la compétence du juge administratif, la requête doit être rejetée.
Le CE dégage trois critères cumulatifs d’identification du service public industriel et commercial (SPIC) :
1- l’objet des ressources
- si le service public a une activité comparable à celle d’un organisme privé =>SPIC
2-l’origine des ressources :
- redevance perçue sur les usagers =>SPIC
- subventions =>SPA
3-le fonctionnement
- si le service fonctionne avec l’objectif de faire des bénéfices=>SPIC
Conseil d'État
N° 26549
M. Després, rapporteur
M. Laurent, commissaire du gouvernement
Lecture du 16 novembre 1956
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
— Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour l'Union des syndicats des industries aéronautiques..., ladite requête et ledit mémoire enregistrés au secrétariat du contentieux: du Conseil d'Etat le 9 juill. et le 22 sept. 1953 et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler pour excès de pouvoir un décret en date du 11 mai 1953 portant suppression de la Caisse de compensation de l'industrie aéronautique ; Vu la loi du 17 août 1948 ; — Vu la loi du 31 mars 1931, art. 105 ; — Vu le décret du 24 mai 1938 ; — Vu l'ordonnance du 31 juill. 1945 ; — Vu le décret du 30 sept. 1953 ;
Sur la régularité du décret attaqué :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, de l'examen de la minute même du décret n° 53-404 du 11 mai 1953 attaqué, vérifiée au siège de la présidence du Conseil des ministres par un membre de la première sous-section de la section du contentieux, que ledit décret a été pris sur le rapport de tous les ministres intéressés dont il porte les signatures ; qu'il a été aussi revêtu de la signature du secrétaire d'Etat à l'Air ; qu'ainsi le moyen invoqué manque en fait;
Sur la légalité du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'art. 7 de la loi du 17 août 1948, « les matières relevant de la compétence du pouvoir réglementaire en vertu de l'art. 6 sont les suivantes : ... organisation, suppression, transformation, fusion, règles de fonctionnement et contrôle de l'ensemble des services de l'Etat ou des services fonctionnant sous son contrôle ou dont les dépenses sont supportées en majeure partie par lui et des établissements publics de l'Etat...» ; qu'il s'ensuit qu'à la différence des établissements publics de l'Etat à caractère industriel ou commercial pour lesquels ni l'art. 2 ni l'art. 7, al. 5, ni aucune autre disposition de la loi du 17 août 1948 ne confèrent un tel pouvoir au Gouvernement, les établissements publics de l'Etat ne présentant pas un caractère industriel ou commercial peuvent être légalement supprimés par un décret pris dans les conditions prévues à l'art. 6 de la loi susmentionnée;
Considérant que la Caisse de compensation pour la décentralisation de l'industrie aéronautique, instituée par l'art. 105 de la loi du 31 mars 1931 et dont le domaine d'activité avait été étendu par le décret du 24 mai 1938, avait essentiellement pour objet de subventionner des opérations d'intérêt général ; qu'elle tirait la plus grande partie de ses ressources d'une retenue de nature parafiscale, précomptée sur toutes les factures afférentes à des marchés passés par le ministre de l'Air ou pour son compte en vue de la livraison de matériels volants ou des fournitures nécessaires auxdits matériels ; que ses modalités de fonctionnement présentaient un caractère pour objet de purement administratif ; que, dans ces conditions, ladite caisse ne constituait pas un établissement public à caractère industriel ou commercial ; que, dès lors, elle était au nombre des établissements publics qui sont visés par la disposition sus rappelée de l'art. 7 de la loi du 17 août 1948, et qui, par suite, peuvent être supprimés par un décret pris dans les conditions prévues à l'art. 6 de ladite loi ;
Considérant qu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier qu'en prenant le décret du 11 mai 1953 portant suppression de la caisse susmentionnée, le Gouvernement ait usé des pouvoirs qu'il tient de la loi du 17 août 1948 pour une fin autre que celle en vue de laquelle ils lui ont été conférés ; que l'opportunité de la mesure prise par le Gouvernement dans la limite des pouvoirs qui lui ont été dévolus par la loi ne saurait être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir ;
[Rejet]