Juridiction:
Tribunal des conflits
Date:
12/06/1978
N° de la décision:
02082
Faits:

Des malfaiteurs se sont emparés d'une somme de 274 051,90 francs dérobés lors d'une opération de transfert de fonds. Les services de police étaient chargés de la sécurité de l'opération.

La Société "le Profil" a demandé au ministre de l'Intérieur la réparation de son préjudice, estimant que les services de police ont commis des fautes lourdes en ne mettant pas en place un dispositif de protection adéquat et en ne faisant pas obstacle aux agissements des agresseurs.

Le ministre de l'Intérieur a refusé la demande.

Procédure:

La Société "le Profil" saisit le tribunal administratif de Versailles qui, par un jugement du 14 janvier 1976, a rejeté sa demande.

La Société saisit le Conseil d'Etat afin d'obtenir l'annulation du jugement du tribunal administratif ainsi que l'indemnisation de son préjudice.

Par décision du 10 mars 1978, le Conseil d'Etat renvoie au Tribunal des conflits la question de la juridiction compétente.

Problème(s) de droit:

L'opération de police était-elle une opération de police administrative, relevant de la compétence de la juridiction administrative, ou une opération de police judiciaire, relevant de la compétence de la juridiction judiciaire?

Solution:

Le Tribunal des conflits, par un jugement du 12 juin 1978, décide que le litige relève de la compétence du juge administratif.

En effet, le Tribunal des conflits juge que le préjudice allégué trouvait essentiellement son origine dans les conditions dans lesquelles était organisée la mission de protection dont étaient investis les services de police. Une telle mission relevant de la police administrative, les dommages qui peuvent en résulter relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre administratif.

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Apport:

En l'espèce, il était possible de distinguer entre deux fautes commises par les services de police:

1- l'insuffisance des mesures de protection mises en place, ce qui relèverait de la police administrative

2- l'absence de poursuite des agresseurs, ce qui relèverait de la police judiciaire

Toutefois, le Tribunal des conflits décide de ne pas dissocier les deux opérations de police et de considérer que le préjudice trouvait essentiellement son origine dans l'insuffisance des mesures de police administrative mises en oeuvre afin de conclure à la compétence de la juridiction administrative.

Texte intégral de la décision:

Tribunal des conflits, du 12 juin 1978, 02082, publié au recueil Lebon

Tribunal des conflits -

  • N° 02082
  • Publié au recueil Lebon

Lecture du lundi 12 juin 1978

Président

M. Ducoux

Rapporteur

M. Jégu

Commissaire du gouvernement

M. Morisot


Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

Vu, enregistrée au secrétariat du Tribunal des Conflits, le 14 mars 1978, une expédition de la décision en date du 10 mars 1978 par laquelle le Conseil d'Etat section du contentieux , saisi de la requête présentée par la Société "Le Profil", tendant à annuler un jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 14 janvier 1976 qui a rejeté sa requête contre une décision du ministre de l'Intérieur refusant de lui accorder une indemnité de 274.051,90 francs en réparation du préjudice que lui aurait causé, le 8 décembre 1972 à Melun, une faute du service de la police nationale, a renvoyé au Tribunal des Conflits, en application de l'article 35 du décret du 26 octobre 1849 modifié par le décret du 25 juillet 1960, le soin de déterminer la juridiction compétente pour connaître du litige. Vu les accusés de réception, en date des 23 et 24 mars 1978, d'où il résulte que les parties ont reçu communication de cette décision ; Vu le Code de procédure pénale ; Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III; Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié par le décret du 25 juillet 1960 ;

Considérant que la Société "Le Profil" demande à l'Etat la réparation du préjudice qu'elle a subi le 8 décembre 1972 du fait de malfaiteurs qui, sous la menace de leurs armes, se sont emparés d'une somme de 274 051,90 francs qu'un de ses préposés venait de retirer d'une banque en vue de la transporter dans les locaux de la société ; qu'au soutien de sa requête, la Société "Le Profil" fait valoir que les services de police chargés de la sécurité de cette opération de transfert de fonds ont commis des fautes lourdes susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat, d'une part, en ne mettant pas en place un dispositif de protection adéquat, d'autre part, en ne faisant pas obstacle aux agissements des agresseurs ;

Considérant que le préjudice allégué, intervenu au cours d'une opération tendant à assurer la protection des personnes et des biens, trouve essentiellement son origine dans les conditions dans lesquelles a été organisée cette mission de protection ; qu'une telle mission relève de la police administrative ; que les litiges relatifs aux dommages que peuvent causer les agents du service public dans de telles circonstances relèvent de la compétence de la juridiction administrative ;

DECIDE : Article 1er : Il est déclaré que les juridictions de l'ordre administratif sont compétentes pour se prononcer sur le litige opposant la Société "Le Profil" à l'Etat Français.