Un marché est passé entre la ville de Lille et la société des granits porphyroïdes des Vosges. En raison d'un retard dans les livraisons, par deux décisions du 1er juin et du 20 novembre 1907, le maire de Lille a appliqué à la société des pénalités.
La société des granits porphyroïdes des Vosges saisit le Conseil d'Etat pour obtenir l'annulation des décisions du maire de Lille.
Le contrat liant la société des granits porphyroïdes des Vosges (société privée) et la ville de Lille (personne publique) est-il un contrat administratif?
Le conseil d'Etat, par un arrêt du 31 juillet 1912, rejette la requête de la société des granits porphyroïdes des Vosges.
En effet, le contrat qui unissait la société et la ville de Lille:
- n'avait pas pour objet l'exécution de travaux
- avait pour objet unique des fournitures à livrer selon les règles et conditions des contrats intervenus entre particuliers
Par conséquent, le Conseil d'Etat déclare la juridiction administrative incompétente pour connaître du litige.
La juridiction administrative est incompétente pour connaître d'un litige né de l'exécution d'un contrat conclu entre une personne publique et une personne privée ayant pour objet unique la livraison de fournitures selon les règles et conditions d'un contrat privé.
Le commissaire du gouvernement Léon Blum, dans ses conclusions présentées pour cette affaire, considère, sans utiliser expressément la formule, que la présence de clauses exorbitantes du droit commun est le critère d'identification d'un contrat administratif. Celles-ci étant absentes en l'espèce, le contrat ne pouvait être qualifié d'administratif.
Conseil d'Etat -
statuant
au contentieux
- N° 30701
- Publié au recueil Lebon
Lecture du mercredi 31 juillet 1912
Président
M. Marguerie
Rapporteur
M. Lacroix
Commissaire du gouvernement
M. Blum
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour la société des Granits porphyroïdes des Vosges dont le siège social est ..., représentée par ses directeur et administrateurs en exercice, ladite requête et ledit mémoire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 22 janvier et 11 mars 1908 et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler une décision du 20 novembre 1907 et en tant que de besoin une décision précédente du 1er juin de la même année, par lesquelles le maire de la ville de Lille a appliqué à la société exposante les pénalités prévues, en cas de retard dans les livraisons, au marché passé entre la société et la ville de Lille pour la fourniture de pavés ; Vu la loi du 5 avril 1884 ;
Considérant que la réclamation de la Société des granits porphyroïdes des Vosges tend à obtenir le paiement d'une somme de 3.436 francs 20, qui a été retenue à titre de pénalité par la ville de Lille, sur le montant du prix d'une fourniture de pavés, en raison de retards dans les livraisons ;
Considérant que le marché passé entre la ville et la société, était exclusif de tous travaux à exécuter par la société et avait pour objet unique des fournitures à livrer selon les règles et conditions des contrats intervenus entre particuliers ; qu'ainsi ladite demande soulève une contestation dont il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître ; que, par suite, la requête de la société n'est pas recevable ;
DECIDE :
Article 1er : La requête susvisée de la Société des Granits porphyroïdes des Vosges est rejetée.
Article 2 : Les dépens sont mis à la charge de la Société des Granits porphyroïdes des Vosges.
Article 3 : Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre de l'Intérieur.