Juridiction:
Conseil d'État
Date:
20/10/1989
N° de la décision:
108243
Procédure:

Le sieur Nicolo fait un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'Etat pour faire annuler l'élection des représentants du Parlement européen du 18 Juin 1989 en raison de la participation de citoyens français des département et territoire d'outre mer. Il y a eu pour le requérant violation de la loi du 7 juillet 1977, relative à l'élection des représentants au Parlement européen, et du Traité de Rome. 

Problème(s) de droit:

Le juge administratif peut-il écarter une loi postérieure contraire aux dispositions d'un traité international ?

Solution:

Le Conseil d'Etat dans un arrêt du 20 octobre 1989 rejette la requête du sieur Nicolo.

Dans un premier temps, il analyse les dispositions de l'article 4 de la loi du 7 juillet 1977 qui dispose que "La République forme une circonscription unique".

Il vient ensuite dire que le territoire de la République comprend également les départements et territoires d'outre-mer, selon la Constitution de 1958.

Le Conseil d'Etat analyse ensuite l'article 227-1 du Traité de Rome. Il soulève que le traité à vocation à s'appliquer à "la République française" et par conséquent également aux territoires et départements d'outre-mer. Il conclu ainsi que la loi du 7 Juillet 1977, en permettant la participation des citoyens des territoires d'outre mer aux élections des représentants du Parlement européen, n'est pas "incompatible" avec les dispositions du Traité de Rome. 

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Apport:

Le Conseil d'Etat opère un contrôle de compatibilité de la loi au Traité de Rome. Ainsi, a contrario, si la loi n'était pas compatible, le Conseil d'Etat aurait décidé de l'écarter. 

Il s'agit d'un revirement de jurisprudence. En effet, le Conseil d'Etat s'est longtemps refusé de contrôler la compatibilité de la loi postérieure à un Traité international (voir: CE 1 mars 1968 Syndicat général des fabricants de Semoules de France). Le juge administratif cesse ainsi de faire priver d'effet l'article 55 de la Constitution. 

Texte intégral de la décision:

Conseil d'Etat 
statuant 
au contentieux 


N° 108243    
Publié au recueil Lebon 
ASSEMBLEE
M. Long, président
M. de Montgolfier, rapporteur
M. Frydman, commissaire du gouvernement
S.C.P. de Chaisemartin, Avocat, avocats


lecture du vendredi 20 octobre 1989

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral


Vu la requête, enregistrée le 27 juin 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Raoul Georges Z..., demeurant ..., et tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 18 juin 1989 en vue de l'élection des représentants au Parlement européen,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 55 ;
Vu le Traité en date du 25 mars 1957, instituant la communauté économique européenne ;
Vu la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 ;
Vu le code électoral ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. de Montgolfier, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. de Chaisemartin, avocat de M. Y...,
- les conclusions de M. Frydman, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions de la requête de M. Z... :
Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants à l'Assemblée des communautés européennes "le territoire de la République forme une circonscription unique" pour l'élection des représentants français au Parlement européen ; qu'en vertu de cette disposition législative, combinée avec celles des articles 2 et 72 de la Constitution du 4 octobre 1958, desquelles il résulte que les départements et territoires d'outre-mer font partie intégrante de la République française, lesdits départements et territoires sont nécessairement inclus dans la circonscription unique à l'intérieur de laquelle il est procédé à l'élection des représentants au Parlement européen ;
Considérant qu'aux termes de l'article 227-1 du traité en date du 25 mars 1957 instituant la Communauté Economique Européenne : "Le présent traité s'applique ... à la République française" ; que les règles ci-dessus rappelées, définies par la loi du 7 juillet 1977, ne sont pas incompatibles avec les stipulations claires de l'article 227-1 précité du traité de Rome ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les personnes ayant, en vertu des dispositions du chapitre 1er du titre 1er du livre 1er du code électoral, la qualité d'électeur dans les départements et territoires d'outre-mer ont aussi cette qualité pour l'élection des représentants au Parlement européen ; qu'elles sont également éligibles, en vertu des dispositions de l'article L.O. 127 du code électoral, rendu applicable à l'élection au Parlement européen par l'article 5 de la loi susvisée du 7 juillet 1977 ; que, par suite, M. Z... n'est fondé à soutenir ni que la participation des citoyens français des départements et territoires d'outre-mer à l'élection des représentants au Parlement européen, ni que la présence de certains d'entre-eux sur des listes de candidats auraient vicié ladite élection ; que, dès lors, sa requête doit être rejetée ;

Sur les conclusions du ministre des départements et territoires d'outre-mer tendant à ce que le Conseil d'Etat inflige une amende pour recours abusif à M. Z... :
Considérant que des conclusions ayant un tel objet ne sont pas recevables ;
Article 1er : La requête de M. Z... et les conclusions du ministre des départements et des territoires d'outre-mer tendant à ce qu'une amende pour recours abusif lui soit infligée sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Z..., à M. de X..., mandataire de la liste l'Union U.D.F.-R.P.R., aux mandataires de la liste de rassemblement présentée par le Parti Communiste Français, de la liste du Centre pour l'Europe, de la liste Majorité de Progrès pour l'Europe, de la liste Les Verts Europe-Ecologie et de la liste Europe et Patrie et au ministre de l'intérieur.