Le chef de l'État, par un décret du 10 mars 1899, institue le certificat de capacité pour la conduite des automobiles. Celui-ci est un document qu'un conducteur d'automobile devait obligatoirement détenir pour conduire (c'est l'ancêtre du permis de conduire). La faculté d'accorder ou de retirer ce certificat est remise aux préfets.
Par arrêté, un préfet de police a retiré au sieur Labonne son certificat de capacité pour la conduite automobile.
Le 2 janvier 1914, le sieur Labonne saisit le Conseil d'État afin d'obtenir l'annulation de cet arrêté. Il conteste également la légalité du décret du 10 mars 1899. Il soutient que les autorités départementales et municipales sont, en vertu de la loi, les seules compétentes pour veiller à la conservation des voies publiques et à la sécurité de la circulation.
Le Conseil d'État répond dans cet arrêt à deux problématiques:
- Le chef de l'Etat est-il compétent, en dehors de toute délégation législative, pour déterminer quelles mesures de police doivent en tout état de cause être appliquées sur l'ensemble du territoire ?
- l'arrêté contesté était-il illégal ?
Le Conseil d'État, par un arrêt du 8 août 1919, rejette la requête du sieur Labonne.
En effet, bien que les autorités départementales et municipales sont chargées par la loi de veiller à la conservation des voies publiques et à la sécurité de la circulation dans leur localité, il appartient au chef de l'État, en dehors de toute délégation législative et en vertu de ses pouvoirs propres, de déterminer celles des mesures de police qui doivent en tout état de cause être appliquées dans l'ensemble du territoire. Le conseil d'Etat rappelle toutefois que l'autorité locale conserve une compétence pour aggraver, si l'intérêt public l'exige dans sa localité, une réglementation générale édictée par le chef de l'État.
En ce qui concerne la légalité du décret et de l'arrêté, le Conseil d'Etat décide qu'ils ne sont pas entachés d'illégalité. En effet, en raison des dangers que présente la locomotion automobile, le décret pouvait valablement exiger que tout conducteur détienne une autorisation de conduire délivrée par l'autorité administrative qui détient également la faculté de retirer cette autorisation en cas de manquement grave aux règles de circulation. L'arrêté retirant le certificat de Monsieur Labonne, pris sur ce fondement, n'est donc pas illégal.
- Il appartient au chef de l'État, en dehors de toute délégation législative et en vertu de ses pouvoirs propres, de déterminer les mesures de police qui doivent en tout état de cause être appliquées dans l'ensemble du territoire.
- l'autorité locale conserve une compétence pour aggraver une réglementation générale édictée par le chef de l'État, si l'intérêt public le commande dans sa localité. Il s'agit d'un rappel de la jurisprudence du Conseil d'État du 18 avril 1902, Commune de Néris- les-Bains.
Conseil d'Etat -
statuant
au contentieux
N° 56377
Publié au recueil Lebon
Président
M. Romieu
Rapporteur
M. Worms
Rapporteur public
M. Corneille
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS