Un contrat de location d'un cirque-théâtre municipal, conclu le 27 mars 1923, unissait les consorts Cazautets à la ville de Limoges.
La ville de Limoges, ayant procédé à la construction d'un ensemble immobilier comprenant un nouveau théâtre, a, par délibération du 7 novembre 1960, décidé de que ce dernier serait exploité en régie.
Le contrat unissant la ville de Limoges et les consorts Cazautets a, par conséquent, été rompu.
Les consorts Cazautets saisirent le Tribunal de grande instance de Limoges pour connaître des demandes d'indemnités formées pour rupture du contrat de location.
Le Tribunal de grande instance de Limoges s'étant reconnu compétent, le préfet de la Haute-Vienne décide d'élever le conflit devant le Tribunal des conflits.
Le contrat de location du cirque-théâtre municipal qui unissait la ville de Limoges (personne publique) aux consorts Cazautets (personnes privées) était-il administratif?
Le tribunal des conflits, par un jugement du 2 juillet 1962, décide que le litige relevait de la compétence de la juridiction administrative.
En effet, la présence de clauses dérogatoires au droit commun dans le contrat conférait à celui-ci le caractère administratif, rendant la juridiction administrative compétente.
En effet, le tribunal relève notamment que le contrat prévoyait des exonérations fiscales et une clause de résiliation unilatérale sans indemnités.
Dans cette jurisprudence apparaissent des exemples de clauses dérogatoires au droit commun (ou clauses exorbitantes du droit commun) permettant de qualifier d'administratif un contrat liant une personne publique à une personne privée.
Tribunal des conflits, 2 juillet 1962, Consorts Cazautets
Publié au recueil Lebon, page 823
Considérant que, par un contrat en date du 27 mars 1923, complété par divers avenants, la ville de Limoges a donné bail au sieur Cazautets puis, après le décès de celui-ci, aux consorts Cazautets, l'exploitation du cirque-théâtre municipal ; que la ville ayant procédé à la construction d’un ensemble immobilier comprenant un nouveau théâtre, une école de musique et un centre d’art dramatique, en remplacement du cirque-théâtre, a, par délibération du 7 novembre 1960, décidé que, dans un intérêt public, le nouveau théâtre municipal serait, lors de sa mise en service exploité en régie ; que le Tribunal de grande instance de Limoges s’étant reconnu compétent pour connaître des demandes d’indemnités formées pour rupture du contrat de location, par les consorts Cazautets contre la ville de Limoges, le préfet de la Haute-Vienne a élevé le conflit.
Considérant que les convenions susvisées prévoyaient que la salle serait mise gratuitement à la disposition de la ville pour les distributions de prix des lycées et écoles ainsi que le 1er mai de chaque année ; que la maire s’interdisait d’accorder des autorisations aux cirques volants pour s’installer sur les places publiques ; que le preneur ne devait donner dans son établissement que des spectacles de haute tenue artistique et morale, et qu’il était interdit, en principe, pendant la saison officielle du théâtre municipal d’organiser dans le cirque des spectacles d’opéra, d’opéra-comique ou d’opérettes ; qu’il était également stipulé que l’exploitation du cirque-théâtre était exonérée de toutes taxes municipales sur les spectacles organisés dans cet établissement et qu’il serait remboursé au preneur par la ville la part que celle-ci toucherait sur les impôts d’État frappant lesdits spectacles ; qu’à tout moment le maire pouvait fermer le cirque-théâtre par mesure d’intérêt public, de sécurité ou de force majeure, sans que cette fermeture permette à l’exploitant de réclamer une indemnité ; qu’enfin, en cas de faillite ou simplement de mauvaises affaires du preneur, mettant en péril l’exploitation du cirque-théâtre, le contrat, après en demeure en la forme administrative, était résilié de plein droit sans qu’il soit besoin de recourir à une décision de justice ;
Considérant que de telles clauses dérogatoires au droit commun, conféraient aux conventions dont s’agit un caractère administratif rendant les juridictions administratives compétentes pour connaître du litige ; que dès lors c’est à bon droit que le préfet a élevé le conflit (…) [compétence de la juridiction administive]