Le préfet du département de l'Allier, par un décret du 8 août 1893, a interdit tous les jeux d'argent dans tous les lieux publics du département, sous réserve des autorisations qui pourraient être données par l'administration supérieure. Le maire de la commune de Néris, par un arrêté du 24 mai 1901, interdit de manière absolue tous les jeux d'argent et de hasard dans sa commune. Le préfet du département de l'Allier, par un arrêté du 5 juin 1901, a annulé l'arrêté du maire de Néris-les-bains.
Le maire de la commune de Néris saisit le Conseil d'État en vue d'obtenir l'annulation de l'arrêté du 5 juin 1901.
Le maire d'une commune peut-il édicter des règles plus rigoureuses que celles édictées par le préfet ?
Le Conseil d'Etat, par un arrêt du 18 avril 1902, annule l'arrêté litigieux.
Le conseil d'Etat rappelle que la loi confère le pouvoir de police municipale au maire qui l'exerce sous la surveillance de l'administration supérieure et non pas sous son autorité.
De plus, le Conseil d'Etat précise que, si la loi "autorise le préfet à faire des règlements de police municipale pour toutes les communes du département ou pour plusieurs d'entre elles, aucune disposition n'interdit au maire d'une commune de prendre sur le même objet et pour sa commune, par des motifs propres à cette localité, des mesures plus rigoureuses;"
Ainsi, l'autorité locale peut aggraver les mesures de police prises par l'autorité administrative supérieure, pour des motifs propres à sa localité.
Conseil d'Etat -
statuant
au contentieux
N° 04749
Publié au recueil Lebon
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu les articles 410, 475, 1477 du code pénal et la loi du 18 juillet 1836 article 10 ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 91 de la loi du 5 avril 1884 que la police municipale appartient au maire et que les pouvoirs qui lui sont conférés en cette matière par l'article 97 de la loi s'exercent, non sous l'autorité, mais sous la surveillance de l'administration supérieure ; que, si l'article 99 autorise le préfet à faire des règlements de police municipale pour toutes les communes du département ou pour plusieurs d'entre elles, aucune disposition n'interdit au maire d'une commune de prendre sur le même objet et pour sa commune, par des motifs propres à cette localité, des mesures plus rigoureuses ;
Considérant que pour annuler l'arrêté du maire du 24 mai 1901, qui interdisait d'une manière absolue les jeux d'argent dans tous les lieux publics de la commune de Néris-les-Bains, le préfet du département de l'Allier s'est fondé sur ce que cet arrêté aurait été pris en violation d'un arrêté préfectoral du 8 août 1893, qui, tout en édictant pour toutes les communes du département la même prohibition, avait réservé toutefois au ministère de l'intérieur, le droit d'autoriser les jeux dans les stations thermales, par application de l'article 4 du décret du 24 juin 1806 ;
Mais considérant que le décret du 24 juin 1806 a été abrogé dans son entier tant par le code pénal que par la loi du 18 juillet 1836, dont l'article 10 dispose qu'à partir du 1er janvier 1838 les jeux publics sont prohibés ; que, dès lors, en prenant son arrêté du 5 juin 1901 pour réserver à l'administration supérieure un pouvoir qui ne lui appartient plus, et en annulant un arrêté pris par le maire pour assurer dans sa commune l'exécution de la loi, le préfet a excédé les pouvoirs de surveillance hiérarchique qui lui appartiennent ;
DECIDE :