Juridiction:
Conseil d'État
Date:
21/06/2000
N° de la décision:
212100 21210
Faits:

Suite à un appel d’offres pour une exploiter une place sur la plage d’Antibes, la commission d’appel d’offres a choisi la SARL requérante.

Par une délibération du 29 juin 1999, le conseil municipal de la commune d’Antibes a approuvé le choix de la commission d’appel d’offres et autorisé le maire à signer le sous-traité d’exploitation correspondant.

Procédure:

Un concurrent saisit le Tribunal Administratif de Nice en référé afin de suspendre la procédure de passation de contrat.

Par une ordonnance du 20 août 1999, le magistrat délégué par le président du Tribunal Administratif de Nice a suspendu la procédure de passation du contrat de sous-concession d’exploitation d’une place sur la plage d’Antibes, a ordonné qu’il soit sursis à la signature du sous-traité d’exploitation, a enjoint à la commune de reprendre l’ensemble de la procédure afin de se conformer aux règles qui s’appliquent aux délégations de service public et a annulé la délibération du 29 juin 1999.

La SARL Plage « Chez Joseph » et la Fédération nationale des plages restaurants saisirent le Conseil d'État.
Pour les requérants le Tribunal administratif de Nice a commis une erreur de droit en jugeant que le sous-traité litigieux organisait une délégation de service public et devait donc respecter les règles de procédures spécifiques à la délégation de service public.

Problème(s) de droit:

La conclusion d’un contrat de délégation de service public est soumise à des conditions précises. Or ici il était justement reproché le non respect par la commune d’Antibes de la procédure pour conclure une convention de délégation de service public.

La question qui se pose donc est celle de savoir si en l’espèce la convention conclue entre la commune et la société privée était une convention de délégation de service public ?

Solution:

Le Conseil d'État par un arrêt du 21 juin 2000 rejette la requête des requérants.

En effet, le Conseil d'État considère que si le sous-traité d’exploitation litigieux présente le caractère d’une concession domaniale, ce contrat organise également une délégation de service public dès lors que :
• il organise l'exploitation de la plage. -> Or, comme le soulève dans ses conclusions Catherine Bergeal, commissaire du gouvernement dans cette affaire, le Conseil d'Etat, dans sa jurisprudence antérieure, avait admis que l'organisation de l'exploitation d'une plage présentait le caractère d'un service public (CE, Sect., 18 septembre 1936 Sieur Prade).
• le concessionnaire est chargé de l'équipement, de l'entretien et de l'exploitation de la plage. Il devait également veiller à la salubrité de la baignade et au respect des mesures destinées à assurer la sécurité des usagers, sans préjudice des pouvoirs qui appartiennent à l’autorité de police municipale. -> La commissaire du gouvernement Catherine Bergeal, dans ses conclusions, explique que "Nous devons constater, à la lecture de ce sous-traité d'exploitation, que la commune s'est déchargée sur le plagiste de l'intégralité du service public, dont elle avait la charge, à l'exception, bien sûr, de ses pouvoirs de police."

Par conséquent, le Conseil d'État conclut que le Tribunal administratif de Nice n’a pas commis une erreur de droit en jugeant que le sous-traité litigieux organisait une délégation de service public et devait donc respecter les règles de procédures spécifiques à celle-ci.

Annonce publicitaire:
Apport:

Le Conseil d'État qualifie le sous-traité d'exploitation de plage de contrat de délégation de service public.

En effet, les deux conditions de qualification d'une délégation de service public étaient remplies (l'existence d'un service public + le service public est délégué):
- le contrat prévoit l'exploitation de la plage, qui est un service public
- le concessionnaire est chargé de l'équipement, de l'entretien, de l'exploitation de la plage ainsi que de la sécurité et de la salubrité des usagers. La puissance publique délègue donc la gestion du service public, à l'exception de ses pouvoirs de police

Texte intégral de la décision:

Conseil d'Etat - 7 / 5 SSR


statuant 
au contentieux

N° 212100 212101

Publié au recueil Lebon

 

Lecture du mercredi 21 juin 2000

 

Président

M. Genevois

Rapporteur

M. Casas

Rapporteur public

Mme Bergeal

Avocat(s)

Me Delvolvé, SCP Célice, Blancpain, Soltner, Avocat


Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu, 1°) sous le n° 212100, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 et 17 septembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL PLAGE "CHEZ JOSEPH" ; la SARL PLAGE "CHEZ JOSEPH" demande au Conseil d'Etat d'annuler, en tant qu'elle concerne le lot de plage n° 1 de la "Garoupe", l'ordonnnance du 20 août 1999 par laquelle le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice, statuant en application de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, a suspendu la procédure de passation du contrat de sous-concession d'exploitation dudit lot, ordonné qu'il soit sursis à la signature du sous-traité d'exploitation, enjoint à la commune d'Antibes de reprendre l'ensemble de la procédure d'attribution conformément aux règles de concurrence et de publicité et annulé la délibération du conseil municipal d'Antibes du 29 juin 1999 en tant qu'elle avait approuvé le choix de la commission d'appel d'offres ; 

 

Vu, 2°) sous le n° 212101, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 et 17 septembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION NATIONALE DES PLAGES RESTAURANTS ; la FEDERATION NATIONALE DES PLAGES RESTAURANTS demande au Conseil d'Etat d'annuler, en tant qu'elle concerne le lot de plage n° 1 de la "Garoupe", l'ordonnance du 20 août 1999 par laquelle le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice, statuant en référé, a suspendu la procédure de passation du contrat de sous-concession d'exploitation dudit lot, ordonné qu'il soit sursis à la signature du sous-traité d'exploitation, enjoint à la commune d'Antibes de reprendre l'ensemble de la procédure d'attribution conformément aux règles de concurrence et de publicité et annulé la délibération du conseil municipald'Antibes du 29 juin 1999 en tant qu'elle avait approuvé le choix de la commission d'appel d'offres ; 

 

Vu les autres pièces des dossiers ;

 

Vu le code général des collectivités territoriales ; 

Vu la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 ; 

Vu la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ; 

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

 

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Casas, Auditeur,

- les observations de Me Delvolvé, avocat de la SARL PLAGE "CHEZ JOSEPH" et de la FEDERATION NATIONALE DES PLAGES RESTAURANTS et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SARL "Hôtel Impérial Garoupe",

- les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;

 

Considérant que les pourvois sont dirigés contre la même ordonnance du magistrat délégué chargé des référés du tribunal administratif de Nice et présentent à juger la même question ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ; 

 

Considérant qu'aux termes de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Le président du tribunal administratif ( ...) peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public./ Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement ( ...)./ Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte ( ...)./ Le président du tribunal administratif ( ...) statue en premier et dernier ressort en la forme des référés" ; 

 

Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 3 janvier 1986 susvisée : "Les concessions de plage et sous-traités d'exploitation sont portés à la connaissance du public par le concessionnaire" ; 

 

Considérant, que par l'ordonnance attaquée, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice a suspendu la procédure engagée par la commune d'Antibes pour la passation du sous-traité d'exploitation du lot de plage n° 1 de la "Garoupe", a enjoint à la commune d'Antibes de reprendre, pour l'attribution dudit lot, l'ensemble de la procédure d'attribution de son exploitation en se conformant aux règles de mise en concurrence et de publicité prévues par les dispositions du code général des collectivités territoriales et le décret du 24 mars 1993 applicables aux délégations de service public, et a annulé la délibération du 29 juin 1999 du conseil municipal de la commune d'Antibes en tant qu'elle a approuvé le choix de la commission d'appel d'offres pour ledit lot et autorisé le maire à signer le sous-traité d'exploitation correspondant ;

 

Considérant que le sous-traité d'exploitation, s'il porte autorisation d'occupation du domaine public par le sous-traitant et présente ainsi le caractère d'une concession domaniale, tend également à organiser l'exploitation de la plage, dans l'intérêt du développement de la station balnéaire ; que le concessionnaire chargé de l'équipement, de l'entretien et de l'exploitation de la plage, doit également veiller à la salubrité de la baignade et au respect des mesures destinées à assurer la sécurité des usagers dans les conditions prévues par le sous-traité, sous le contrôle de la commune et sans préjudice des pouvoirs qui appartiennent à l'autorité de police municipale ; qu'eu égard à la nature de la mission ainsi confiée au concessionnaire, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le sous-traité litigieux organisait une délégation de service public au sens des dispositions susvisées de la loi du 29 janvier 1993 et que la commune d'Antibes devait dès lors respecter la procédure prévue par les dispositions de cette loi pour conclure cette convention ; 

 

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL PLAGE "CHEZ JOSEPH" et la FEDERATION NATIONALE DES PLAGES-RESTAURANTS ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;


Article 1er : Les requêtes de la SARL PLAGE "CHEZ JOSEPH" et de la FEDERATION NATIONALE DES PLAGES-RESTAURANTS sont rejetées.


Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SARL PLAGE "CHEZ JOSEPH", à la FEDERATION NATIONALE DES PLAGES-RESTAURANTS, à la SARL "Hôtel Impérial Garoupe", à la commune d'Antibes et au ministre de l'intérieur.