Un litige est né entre le sieur Astruc et la ville de Paris en raison de l’inexécution d’une promesse de concession d’un emplacement situé aux Champs-Elysées, pour la construction d’un « Palais philharmonique ».
Le sieur Astruc et la Société du Théâtre des Champs-Elysées ont saisi le conseil de préfecture de la Seine (juridiction, ancêtre du tribunal administratif) afin d'obtenir la condamnation de la ville de Paris à leur payer une indemnité.
Le conseil de préfecture de la Seine s'est déclaré compétent et a statué sur le fond.
Il s'agissait de déterminer la nature du contrat afin de déterminer la juridiction compétente.
La problématique était la suivante : l'exploitation d'un théâtre est-elle un service public ?
Le Conseil d'État annule l'arrêté du conseil de préfecture de la Seine pour incompétence.
En effet, le projet de convention participait de la nature d’un contrat de droit commun et rentrait dans la compétence de l’autorité judiciaire puisque le Palais n'était pas destiné à assurer un service public ni à pourvoir un objet d'utilité publique.
C'était donc à tort que le conseil de préfecture, assimilant l’affaire à un débat sur une concession de travaux publics, avait retenu la sa compétence.
L'exploitation des théâtres n'est pas un service public.
Conseil d'Etat -
statuant
au contentieux
N° 59323
Publié au recueil Lebon
Rapporteur
M. Guillaumot
Rapporteur public
M. Corneille
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d’Etat ;
Considérant que la requête, dont le sieur Astruc et la Société du Théâtre des Champs-Elysées ont saisi le conseil de préfecture de la Seine, tendait à faire condamner la ville de Paris à leur payer une indemnité, à raison de l’inexécution d’une promesse de concession d’un emplacement sis aux Champs-Elysées, pour la construction d’un « Palais philharmonique »;
Considérant que si, à raison de l’emplacement que devait occuper le palais projeté, le conseil municipal a inséré, dans sa délibération du 12 juillet 1906, certaines prescriptions relatives aux dimensions de cet immeuble et à ses aménagements, et si cet immeuble devait, en fin de concession, dans le cas où celle-ci serait réalisée, devenir la propriété de la ville de Paris, le palais dont il s’agit n’était pas destiné à assurer un service public ni à pourvoir à un objet d’utilité publique; que, d’autre part, il résulte de l’ensemble des dispositions de la délibération précitée que la convention à intervenir comportait une attribution de jouissance au sieur Astruc, moyennant le paiement d’une redevance annuelle de 20.000 francs et d’une redevance proportionnelle; que le projet de convention participait ainsi de la nature d’un contrat de droit commun, rentrant dans la compétence de l’autorité judiciaire; que c’est donc à tort que le conseil de préfecture, assimilant l’affaire à un débat sur une concession de travaux publics, en a retenu la connaissance et a statué au fond;
Art. 1er. L’arrêté du conseil de préfecture susvisé, en date du 27 mars 1912, est annulé pour incompétence.
Art. 2. Les dépens de première instance et d’appel sont mis à la charge du sieur Astruc et de la Société du Théâtre des Champs-Elysées.